SANTÉ PUBLIQUE Les plaintes se multiplient, le coût des indemnisations explose, 3 000 décès sont à déplorer chaque année. Aujourd'hui, pour la première fois, les familles de victimes manifestent à Paris.M.-C. T.[15 octobre 2005]Les «veuves» débarquent à Paris. Cet après-midi, les épouses des victimes de l'amiante seront en tête du cortège qui défile entre la rue de la Pépinière, ancienne adresse des industriels du secteur, et la rue de la Paix, à quelques mètres du ministère de la Justice. Cette manifestation est organisée par l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva) pour réclamer des moyens afin d'instruire les plaintes pénales qui pleuvent depuis quelques mois sur le pôle judiciaire de santé publique à Paris. L'Andeva attend entre 3 000 et 4 000 personnes. Le syndicat CFDT devrait se joindre au cortège. La CGT défile quelques heures plus tôt en solo.
Vingt-sept dossiers sont actuellement sur le bureau du parquet. Trois affaires – la faculté de Jussieu, la RATP et une école d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) construite sur un terrain pollué – avaient déjà été ouvertes à Paris. Sept procédures, engagées à l'origine en province, viennent d'être redistribuées aux juges du pôle parisien, renforcé par l'arrivée d'un quatrième magistrat instructeur. Quinze plaintes sont encore en enquête préliminaire.
Isolant remarquable, protection contre le feu efficace, l'amiante a été massivement utilisé dans l'industrie et le bâtiment pendant plusieurs décennies avant d'être complètement interdit en 1996. Aujourd'hui, la facture humaine est lourde. Les salariés exposés aux poussières d'amiante vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Vingt-cinq ans et même quarante ans après avoir travaillé au contact de l'amiante, certains révèlent des maladies plus ou moins graves allant des asbestoses et des plaques pleurales jusqu'à des cancers comme le mésothéliome.
Chaque année, plus de 3 000 personnes décèdent d'un cancer de l'amiante. D'ici à 2030, entre 50 000 et 100 000 morts sont prévisibles, selon les experts. Les maladies de l'amiante étaient pourtant connues. Elles étaient même inscrites au tableau des maladies professionnelles depuis le début du siècle dernier. «Pourquoi les industriels, les services de veille sanitaire, la médecine du travail, les services de l'Etat n'ont-ils rien fait ?», questionne l'un des responsables de l'Andeva, Michel Parigot. Les premiers mouvements de protestation sont nés sur le campus parisien de Jussieu dans les années 70. En 1996, le comité antiamiante de la faculté a déposé la première plainte pénale. Progressivement, la colère a gagné les usines.
Ces dix dernières années, les victimes de l'amiante se sont concentrées sur la bataille de l'indemnisation. Elle est en partie gagnée. Plus de 3 000 condamnations pour fautes inexcusables ont été prononcées par les tribunaux des affaires de Sécurité sociale et les cours d'appel contre les employeurs dont les salariés ont été exposés à l'amiante. Un fonds public d'indemnisation a également été créé pour les personnes ne pouvant saisir ces tribunaux, à l'instar des fonctionnaires.
En revanche, la plupart des procédures pénales sont au point mort. A tel point que les victimes ont décidé de remonter au front. Sous la pression, au printemps dernier, Dominique Perben, alors à la Justice, avait envoyé une circulaire pour que les plaintes soient systématiquement traitées à Paris par des spécialistes. «Pour l'amiante, aucun des verrous mis en place pour assurer la sécurité sanitaire n'a fonctionné. Si l'on veut éviter une “récidive” dans un autre domaine de santé publique, il faut que la justice s'emploie à rechercher toutes les responsabilités, même indirectes», analyse Me Michel Ledoux, l'un des avocats spécialisés sur la question. L'actuel garde des Sceaux, Pascal Clément, s'apprête à recevoir dans les prochains jours les représentants de l'Andeva.
Pourquoi les victimes de l'amiante font-elles peur à la justice ? Jusqu'à présent, les tribunaux n'ont jamais été confrontés à pareille affaire de santé publique. L'emblématique dossier du sang contaminé a concerné environ 4 000 personnes. Dans le cas de l'amiante, chaque année, plus de 3 000 personnes demandent une indemnisation. Les victimes s'appuient sur une association puissante et structurée, l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva), pilotée notamment par des universitaires de Jussieu, et qui compte quelque 15 000 membres. Un record. L'association a su se rendre incontournable en aidant les victimes dans leurs démarches d'indemnisation. Les avocats traitent plusieurs milliers de procédures par an. «De 1996 à 1999, nous avons travaillé sans empocher le moindre résultat, raconte Me Jean-Paul Teissonnière, nos cabinets étaient au bord du dépôt de bilan.»
Amiante, Environnement, Santé
16 octobre, 2005 à 14:02 | Posté par Jérôme Charré
Voici un article du Figaro sur la manifestation des victimes de l'amiante qui a eu lieu hier après-midi.
Cet article a été posté le dimanche, octobre 16th, 2005 a 14 h 02 min et est classé dans Amiante, Environnement, Santé. Vous pouvez suivre tous les commentaires de cet article via ce flux RSS 2.0.
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