Le député Manuel Bompard s’est récemment exprimé sur le désarmement de la police municipale, relançant un débat à la fois sécuritaire, politique et philosophique sur le rôle des forces de l’ordre locales. Retweeté par Nadège Abomangoli. Notre députée LFI également engagée sur ces questions, sa prise de position divise... mais soulève des interrogations pertinentes sur la sécurité de proximité en France.
Une question de fond sur les missions des polices locales
Aujourd’hui, dans de nombreuses communes, on observe un désengagement progressif de la Police nationale, notamment dans les zones périurbaines et les quartiers populaires. Ce vide est comblé par la police municipale, mais avec des moyens, des prérogatives et une formation moindre. Contrairement à la PN ou la gendarmerie, la PM n’est pas une force d'enquête ni d'intervention spécialisée : son rôle est principalement administratif, orienté vers la régulation de la vie locale.
Alors, pourquoi ne pas intégrer la PM dans une Police nationale repensée, davantage axée sur la proximité ? Cette proposition, qui résonne avec les critiques sur l’abandon de la police de proximité (dissoute dans les années 2000), trouve un écho croissant parmi les élus de terrain.
« Ces policiers connaissaient les quartiers. Ils repéraient des gars et allaient sonner chez leurs parents. Désormais, on a uniquement une police de maintien de l’ordre », déplore Loïc Pen, conseiller municipal (PCF) à Nogent-sur-Oise.
La vidéosurveillance, une illusion de sécurité ?
Parallèlement à cette mutation des forces de l’ordre, un autre phénomène prend de l’ampleur : l’explosion du recours à la vidéosurveillance dans l’espace public. Pourtant, les chiffres sont formels : l’efficacité réelle de ces dispositifs est marginale.
Selon une étude commandée par la Gendarmerie nationale , les caméras ne sont décisives que dans 1% des enquêtes de petite délinquance. Laurent Mucchielli, sociologue et chercheur au CNRS, estime même que l’aide apportée par les caméras se limite à 1 à 3 % des cas.
« Malgré un plébiscite dans les discours, les enquêteurs ne semblent pas véritablement consacrer les enregistrements de vidéoprotection comme une ressource incontournable », précise un rapport de l’Essor de la Gendarmerie.
Outre leur coût élevé pour les collectivités, ces dispositifs souffrent de failles techniques (qualité d’image, angles morts) et d’un temps d’exploitation lourd. Sans compter que leur usage est souvent détourné pour la verbalisation automatique des infractions routières, bien loin de la lutte contre la délinquance ou le trafic de stupéfiants.
Un déplacement de la délinquance, pas sa suppression
De nombreuses études, dont celle relayée par France 3, indiquent que l’installation de caméras ne fait souvent que déplacer la délinquance vers des zones non couvertes. Et lorsqu’elles ne sont pas totalement inefficaces, elles servent davantage de réassurance politique que d’outil opérationnel.
« Il ne faut pas se donner le sentiment qu'on agit alors que la seule chose qui fonctionne avec la vidéoprotection, c'est la verbalisation des voitures », poursuit Loïc Pen.
L’attentat de Nice en 2016 ou ceux de Paris en 2015, survenus malgré un réseau dense de caméras, illustrent bien la limite du modèle tout-technologique.
À Aulnay et ailleurs : une surveillance ciblée ?
Sur les réseaux sociaux, la 1ère adjointe d’Aulnay-sous-Bois communique et les habitants par ailleurs ironisent : « Tout le monde sait que les caméras sont braquées là où sont les dealers... ou directement suivent les véhicules dont les occupants arrachent les colliers des mamies ».
Si cette remarque fait sourire, elle traduit aussi une méfiance grandissante envers un système perçu comme sélectif, coûteux, et parfois détourné de sa vocation initiale.
Et demain, l’IA pour surveiller les rues ?
Alors même que l’efficacité reste à démontrer, certains élus envisagent d’étendre la vidéosurveillance avec des outils comme les drones ou l’intelligence artificielle. Une fuite en avant technologique dénoncée dans de nombreuses publications comme celle-ci, qui rappelle que les caméras n’ont jamais empêché ni prédit les grandes tragédies terroristes survenues en France.
Conclusion : sécurité réelle ou sécurité d’affichage ?
Désarmer la police municipale, repenser son rôle, réhabiliter la police de proximité, redéfinir l’usage des technologies… autant de sujets qui devraient alimenter un débat public honnête. Car derrière les postures politiques, la question essentielle demeure : qu’est-ce qui fonctionne réellement pour assurer la sécurité des citoyens ?
Plutôt que de multiplier les caméras ou d’armer des agents aux missions mal définies, ne faudrait-il pas réinvestir dans l’humain, la formation, la présence territoriale ? C’est peut-être là que se trouve la véritable "sécurité durable".