Procédures-bâillon : le maire d’Aulnay-sous-Bois jugé le 6 janvier 2025 à Paris

Photo du journal Libération

Voici un communiqué de Maître Etienne Deshoulière (avocat de MonAulnay.com) à propos du procès de Bruno Beschizza qui s'ouvre lundi. Lors de l'audience de fixation de la date du procès, les avocats du maire d'Aulnay, avaient montré une fébrilité assez étonnante :

Bruno Beschizza, maire d’Aulnay-sous-Bois, comparaîtra le lundi 6 janvier 2025 devant le Tribunal correctionnel de Paris pour dénonciation calomnieuse. L’élu, accusé d’avoir utilisé l’argent public pour engager plusieurs procédures-bâillon, encourt cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, ainsi qu’une peine d’inéligibilité de 10 ans.

Le mécanisme de la « protection fonctionnelle » permet aux agents publics, et notamment aux maires, de faire financer leurs frais d’avocats et de procédures par la collectivité publique. Abusant de ce système depuis son élection à la mairie d’Aulnay-sous-Bois il y a dix ans, Bruno Beschizza, ancien proche de Nicolas Sarkozy, a intenté de nombreuses actions en justice contre des blogueurs et opposants politiques locaux. Ces actions se sont toutes soldées par des échecs pour le maire.

Hervé Suaudeau, ingénieur au CNRS et [co-]éditeur du blog d’information locale MonAulnay.com, a été la cible de cinq procédures-bâillon de la Mairie d’Aulnay-sous-Bois. Parmi les procédures perdues, deux affaires en diffamation ayant donné lieu à des relaxes définitives sont au cœur de l’accusation actuelle de dénonciation calomnieuse.

Soutien de la Mairie d’Aulnay-sous-Bois à l’islam radical

Suite à une série d’articles dénonçant le soutien de la Mairie d’Aulnay-sous-Bois à l’islam radical [1], Hervé Suaudeau avait demandé à la municipalité de lui communiquer des documents administratifs relatifs au financement d’associations proches d’islamistes radicaux. Face au refus persistant de la mairie de communiquer ces documents, Hervé Suaudeau a obtenu que le Tribunal administratif de Montreuil ordonne à la Mairie d’Aulnay-sous-Bois de lui communiquer les informations demandées [2].

Les documents obtenus démontraient clairement que la Mairie d’Aulnay-sous-Bois finançait des associations proches d’islamistes radicaux en leur accordant des subventions en numéraire et en leur prêtant des locaux municipaux [3]. Plusieurs personnalités controversées ont ainsi été invitées à s’exprimer dans des locaux appartenant à la mairie : l’imam Mehdi d’Aubervilliers, proche de Chérif Kouachi, l’un des auteurs de l’attentat de Charlie Hebdo ; Nader Abou Anas, prédicateur pour qui « La femme ne sort de chez elle que par la permission de son mari » ; Éric Younous, prédicateur pour qui « la conception de la femme selon l’Occident, [c’est] se balader à moitié nue dans les rues et n’être qu’un objet de tentation ».

Malgré l’existence d’une base factuelle incontestable, Bruno Beschizza a engagé une action en diffamation publique contre Hervé Suaudeau, lui reprochant d’avoir affirmé : « L’attitude du maire est paradoxale. Au niveau national, il affiche sa lutte contre l’islamisme. Au niveau local il soutient les imams salafistes ». L’action s’est soldée par un échec. Le jugement du Tribunal correctionnel de Paris, relaxant Hervé Suaudeau et sanctionnant Bruno Beschizza pour procédure abusive, dénonçait la « mauvaise foi » du maire dans un « contexte de poursuites de toute forme de critique par des acteurs locaux »[4].

Inaction de la Mairie face à l’agression d’un assesseur de bureau de vote

A l’occasion des élections municipales du 15 mars 2020, Hervé Suaudeau s’était porté volontaire pour être assesseur au bureau de vote n°42 d’Aulnay-sous-Bois. Voyant que trois hommes interpellaient les électeurs à l’entrée du bureau de vote, Hervé Suaudeau leur a demandé de quitter les lieux. Les trois individus l’ont alors projeté au sol, puis agressé physiquement, provoquant une incapacité temporaire totale (ITT) de 10 jours. Une plainte a été déposée le jour-même pour violences en réunion contre une personne chargée d’une mission de service public. Les trois individus visés par la plainte se sont avérés être au service de Bruno Beschizza, l’un d’eux étant son chauffeur personnel.

Le 10 avril 2020, Hervé Suaudeau a publié deux messages sur Twitter critiquant le maire d’Aulnay-sous-Bois pour son absence de sanction envers ses collaborateurs. Il y dénonçait notamment la mise en place d’un « système mafieux ». Dix jours après la publication de ces tweets, Bruno Beschizza a déposé une nouvelle plainte pour diffamation contre Hervé Suaudeau, lui reprochant l’emploi des termes « système mafieux ». A nouveau, Hervé Suaudeau a été relaxé, le Tribunal correctionnel de Bobigny ayant reconnu que les tweets d’Hervé Suaudeau poursuivaient un « but légitime » et reposaient sur une « base factuelle suffisante ».

Plainte pour dénonciation calomnieuse

Les personnes visées par des procédures-bâillon disposent d’une arme pour contre-attaquer : porter plainte pour dénonciation calomnieuse [5]. Ce délit vise en effet à réprimer les plaintes pénales déposées lorsque le plaignant est conscient que les accusations ne sont pas fondées. Dans le cas présent, il est reproché à Bruno Beschizza d’avoir porté plainte pour diffamation contre Hervé Suaudeau, alors qu’il avait conscience que les faits rapportés par Hervé Suaudeau étaient vrais.

Le maire d’Aulnay-sous-Bois encourt une peine principale de cinq ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende [6], ainsi qu’une peine complémentaire d’inéligibilité de 10 ans. Pour Me Étienne Deshoulières, avocat d’Hervé Suaudeau [et du blog monaulnay.com] : « Bruno Beschizza pourrait se retrouver inéligible pendant 10 ans pour avoir engagé des procédures en diffamation sur les fonds publics dans le but de faire taire la presse locale. Ce procès démontre que les procédures-bâillon peuvent se retourner contre ceux qui pensaient museler leurs adversaires ».

Contact Presse :
Etienne Deshoulières, avocat au barreau de Paris
contact@deshoulieres-avocats.com – 0177628203
www.deshoulieres-avocats.com

[1] Marianne « A Aulnay-sous-Bois, le Nouvel An des salafistes au gymnase municipal », 25 février 2016 ; Marianne « Aulnay-sous-Bois : pourquoi le maire pouvait empêcher la conférence des salafistes », 29 février 2016 ; Marianne « Bis repetita : à Aulnay-sous-Bois, un prédicateur radical au gymnase municipal », 4 juillet 2016 ; Le Parisien « Aulnay : les autorités embarrassées par la venue d’un prédicateur radical », 6 juillet 2016

[2] Jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 6 décembre 2018

[3] Extrait du registre des délibérations de la Mairie d’Aulnay-sous-Bois du 25 mai 2016, du 17 mai 2017 et 28 juin 2017

[4] Jugement du 2 avril 2021 du Tribunal correctionnel de Paris. La relaxe a été confirmée par la Cour d’appel de Paris, mais la condamnation pour procédure abusive a été infirmée.

[5] Article 226-10 du code pénal