L'école d'art Claude Monet et l'hôtel de ville d'Aulnay sont les parrains d'une superbe exposition dans les salons de ce dernier intitulée "du trait au buste".
Le titre résume bien le concept sous-tendant l'unité logique de l'exposition, soit comment les artistes passent (ou inversement, ou pas) du trait au buste, comment le sculpteur peint ou le peintre sculpte, la vision de l'artiste est-elle inhérente au support, l'œil est-il le même ?...
L'affiche de l'exposition présente ainsi les deux faces d'un même artiste, Gargallo, épousant ce questionnement : une sculpture très aérienne représentant Chagall et un autoportrait à l'encre.
Autres grands créateurs à voir dans cette exposition où sont confrontés des portraits dessinés avec des têtes et des bustes d'un même artiste, Picasso, Zadkine ou Bourdelle.
Vous plongerez aussi dans le travail de nombreux artistes moins connus du XIXème siècle jusqu’à aujourd’hui, où beaucoup d'écoles sont représentées : le réalisme classique de Wlérick, Despiau ou Paul Landowski (le père du musicien Marcel Landowski), le cubisme donc avec Picasso, la stylisation géométrique et l’inspiration des masques
africains avec Le Corbusier, l’art brut avec Gaston Chaissac, l’existentialisme de Giacometti ou Germaine Richier, la
nouvelle figuration d’Arroyo, jusqu'aux artistes contemporains Yveline
Tropéa, Yan Pei-Ming, Agnès Baillon, qui questionne l’utilisation du socle, ou bien
Arnulf Rainer revisitant l’aspect formel du buste classique à partir de
celui de Gustave Courbet par Dalou.
La galerie de personnages est extraordinairement variée. En outre, l'exposition permet aussi, au delà des seuls arts plastiques, une plongée dans le Paris des intellectuels du début du XXème siècle.
Par exemple, Picasso se trouve à la croisée des rencontres avec Paul Eluard. Cocteau lui a croqué le portrait, parfois sur un coin de table, sur un carnet de croquis (et dont la Ville présente les originaux)... Certaines œuvres représentent d’autres personnages célèbres comme Anatole France ou Beethoven par Bourdelle, Baudelaire par Duchamp-Villon, ainsi que Jean Genet par Fenosa. D'autres bustes sont des autoportraits.
La muséographie est bien pensée, l'espace du lieu d'exposition bien que petit est parfaitement exploité. Bien sûr quelques défauts de ces mêmes qualités sont préjudiciables, comme le fait de ne pouvoir tourner autour de la majorité des sculptures pour percevoir tous les détails de dos et se représenter la vision à 360 degrés de l'artiste, une vue d'ensemble bien appréciable, mais la priorité au vu de la thématique est bien de mettre en regard, en miroir, les sculptures et les dessins, et c'est sans doute pour cela que ces derniers sont souvent accrochés au mur au-dessus des bustes, tel un reflet, tandis qu'eux collent aux murs.
La pièce paraît en tout cas habitée et la compagnie étant charmante l'ensemble est une réussite, à son échelle.
Une exposition à voir et à revoir puisque l'entrée est libre, tous les jours de 14h à 18h jusqu'au 9 décembre.
Jean-Gauthier Quintard