16 août, 2013 à 15:46 | Posté par
Hervé Suaudeau
Le 26 juin dernier ont été décernés, par l'association Privacy International, les prix Big Brother Award qui "récompensent" les entités ou les personnes qui menacent le plus les libertés ou la vie privée. Cette année, après deux années d'absence, le prix Orwell Collectivités a été attribué au conseil général de Seine-Saint-Denis pour ses procédures - très contestées - de fichage des personnes en difficultés sociale. En 2006, Gérard Gaudron, maire d'Aulnay-sous-Bois avait été nominé, sans remporter le prix, pour le logiciel CORTO de fichage des atteintes à la sécurité (on en avait parlé).
Notre Conseil Général prend la suite de Christian Estrosi, qui a eu le dernier prix Orwell Collectivité pour avoir mis en place le plus dense et cher système de vidéosurveillance de France.
Sous couvert de faciliter l’accueil des « usagers », d’améliorer la « traçabilité » des interventions et les conditions de travail des agents, le Conseil général de Seine-Saint-Denis a informatisé le dossier des personnes qui se présentent au service social. Malgré les alertes lancées par ces dernières, soutenues par la FSU et SUD, sur les dangers de cette informatisation qui surcharge les agents, altère leurs conditions de travail et porte atteinte au secret professionnel, et malgré la multiplicité des données personnelles collectées, le CG s’obstine !
"L’informatisation ordonne les choses d’une certaine façon. La trame à remplir conditionne la façon d’accueillir et de mener l’entretien. Cocher des croix, ce n’est pas objectiver notre travail, aucune expertise sociale ne nous est demandée, et les fondamentaux de notre métier, comme la relation d’aide, disparaissent avec cette façon de « mesurer » notre activité professionnelle."
Le syndicat Snu-Clias-FSU CG 93 saisit la CNIL : « même pas peur ! » pourrait rétorquer le CG qui reste droit dans ses bottes.
Rapide retour sur cette affaire qui dure depuis bientôt 3 ans :
En 2008, un logiciel nommé COSMOS fut déployé au sein du service social départemental du CG. Il crée un dossier informatique pour chaque personne reçue, dans lequel peuvent être saisis des renseignements parmi 375 items proposés sur l’identité du ménage, ses « problématiques » et les « interventions » réalisées par l’assistante sociale. A ce jour, ce fichier est mis en place et utilisé dans 10 circonscriptions de service social sur 32 (ce qui représente un peu plus de 10 villes du département). Pour les services non informatisées, des statistiques annuelles sous forme de grilles papier sont demandées chaque année aux équipes et regroupent les mêmes thématiques.
Début 2011, des assistantes sociales réunies en assemblée générale décidèrent de boycotter les statistiques. Et en mars, la FSU saisit la CNIL d’une plainte en l’interrogeant point par point sur la conformité de ces données personnelles, nominatives et recueillies sur fichier papier ou par informatique au regard de la loi « informatique et libertés ».
Au bout d’un an, la CNIL invita le syndicat à se rapprocher du CIL (correspondant informatique et libertés) du CG. Ce dernier avait adressé un courrier à la CNIL pour justifier les choix du CG. Non satisfaite par l’ensemble des ses réponses, la FSU adressa donc un courrier au CIL mais ce dernier n’y répondit pas et pour cause: il avait alors démissionné de sa fonction.
Voici le type de questions que la FSU soulevait : Comment la personne donne-t-elle son consentement, dans le cas notamment où les données conservées sont recueillies auprès de tiers (article 7 de la loi informatique et libertés) ? A titre d’exemple, le « mode d’emploi des grilles G12 dossier usager 2012 » prévoit pour la case « Hygiène : AS interpellé par un signalement » « Toutes les situations où le SSD a reçu un signalement d’un tiers, d’un service, d’une association ou d’une institution concernant une personne qui présente des dysfonctionnements importants au niveau de l’hygiène corporelle, des habitudes de vie quotidienne ou de l’habitat, ».
À ce jour, le boycott des statistiques continue.