[NDLR : Voici un extrait de Libération sur le rappeur aulnaysien Sefyu.]
Hip-hop. Concert ce soir au Bataclan du rappeur mascotte des adolescents.
Dans le métro parisien, des ados chantent en chœur le refrain de Molotov 4 sur leur téléphone portable : «Se, se, Sefyu hé, hé Acid.»
Ça ne veut pas dire grand-chose, c’est le nom de leur rappeur préféré,
Sefyu, soit Yussef en verlan mais la rythmique soutenue est efficace.
Ce «grand frère», comme dirait la ministre de la Justice, a encore remporté la mise dans le rap français avec son deuxième album, Suis-je le gardien de mon frère ? sorti à la mi-mai. Il est en concert ce soir à Paris.
Footballeur. Ancien footballeur professionnel (Red Star de
Saint-Ouen, puis à l’essai à Arsenal), animateur de la ville
d’Aulnay-sous-Bois, Sefyu a réussi à capter l’attention des gamins
férus de nouvelles technologies, de téléchargement illégal, auprès de
qui il tente de faire passer des messages plus civiques : expliquer la
responsabilité vis-à-vis des plus jeunes, les racines du racisme
intercommunautaire et le combattre, les difficultés des parents : «Je connais la réalité du terrain, la violence des mecs en cité, expliquait Sefyu quelques jours avant le début de sa tournée. Pour
bousculer les plus jeunes, j’ai besoin de leur rentrer dedans. Je sais
comment les accrocher pour faire passer mes messages. Un peu de
virulence bien placée aide aussi, parfois.»
Il décline ses idées à partir d’une question, d’une affirmation ou
d’un cliché, sur des productions musicales chargées en coups de feu et
autres sons d’armureries : «J’aime bien jouer avec les peurs des autres, avoue-t-il. Je
suis aussi un artiste et je dois savoir donner une forme différente à
des aspects de la réalité, les triturer. Un peintre change souvent les
couleurs, les formes d’un paysage, moi je fais pareil.»
Sefyu soigne aussi son look. Il se déplace avec une mallette pleine
de casquettes et n’hésite pas à employer une maquilleuse pour ses
séances photos, quelques retouches de poudre sur le visage du rappeur :
«Je suis très pointilleux sur l’image, justifie Sefyu. Ce n’est pas parce que je suis hardcore que je dois donner l’impression de dormir dans la rue.»
Un soin visuel qui a attiré l’œil d’un mauvais garçon de Bristol. «Tricky a vu mes clips sur le Net, la Vie qui va avec, En noir et blanc, raconte le rappeur français.
Il a aimé ma voix, et quand il est venu à Paris en janvier dernier, il
a demandé à me rencontrer. Il tournait un clip à Aulnay, et les gens
lui ont montré où j’habitais. On doit enregistrer un titre ensemble
dans quelques semaines.»
Animateur. L’Angleterre, Sefyu connaît, il y a joué en club
avant de devoir abandonner sa carrière de footballeur à cause d’une
blessure. De retour dans sa banlieue, il s’est consacré au travail
d’animateur de quartier, d’où son obsession dans l’album à vouloir
protéger les adolescents, lui qui a trois petits frères : «A chaque
fois que je discute avec eux, je suis toujours très clair sur les
erreurs que j’ai pu commettre, ce que j’en ai retenu et où elles m’ont
mené. Pour vous donner un exemple, les bagarres de quartier sont un
véritable fléau à l’époque de l’adolescence. Je me suis mis dans des
situations comme celles-là, des règlements de comptes idiots où on se
retrouve à taper un autre jeune à quatre ou cinq. J’ai perdu un ami
ainsi, à 16 ans, victime d’un lynchage. Je leur dis à mes frères : "Ne
vous aventurez pas dans ces histoires-là, ça peut très mal se terminer,
ce n’est pas un jeu." J’ai beaucoup insisté là-dessus, comme sur
l’école.»
STÉPHANIE BINET - Libération - vendredi 13 juin 2008
SEFYU Le Bataclan, 50, bd Voltaire, 75011. Ce soir, 19 h 30. CD : Suis-je le gardien de mon frère ? (G8/Because).