«Ça fait trente-cinq ans
que je vis ici et je n’ai jamais vu une telle animation sur la place du
marché.» Zakia, et les autres mamans, tranquilles sur un banc en marge
de la scène, profitent d’un moment rare dans la cité des 3000 à
Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
Mercredi soir, dès 18h, sur une scène géante, se sont succédé une
dizaine de groupes amateurs de hip-hop du quartier, puis d’autres plus
célèbres. Les petits, dont certains ne savent même pas qui est Luc
Besson, sont descendus parce que «ça fait plaisir de voir toute la cité
réunie». Les plus grands pour encourager leur cousin, voir le
producteur de Taxi «en vrai», ou écouter leurs idoles.
Programmation tenue secrète
A la nuit tombée, le millier de personnes réunies allait avoir droit à
la projection inédite de «Tyson», en arrivage direct du festival de
Cannes. La programmation du festival Art et banlieue avait été tenue secrète
jusqu’à la dernière minute. «On a une centaine d’artistes qui nous ont
dit oui, et puis ça se décide le soir même, on veut pas annoncer Kery
James si finalement il annule», nous confiait Luc Besson peu avant de
monter sur scène. Le nouveau maire PS de la ville, Gérard Ségura,
admettait que «même si tout le monde ne saisit pas forcément la qualité
et la stature de quelqu’un comme Luc Besson, le fait de créer
l’événement avec le cinéma et le vivier de talents des cités, c’est
bien». «Le but de tout ça c’est de tisser du lien, de montrer que l’art
n’a ni frontière ni couleur ni religion, ajoutait le cinéaste, en
coulisses. Trop de ces banlieues se considèrent abandonnées, et on veut
leur apporter réconfort et dignité», renchérissait l’initiateur de la
soirée.
«Mettre le feu»
Se sont succédé Sefyu, rappeur aulnaysien qui, l’an dernier encore,
tournait sur les scènes amateurs et fait désormais partie des
meilleures ventes de disques, le Ghetto Fabulous Gang ou encore la
chanteuse Laâm. Los Bledos, trio humoristique du 93, spécialiste des
sketches sur les tontons du bled espérait «mettre le feu» avec trois
chansons spécialement dédicacées. «Malheureusement, le téléphone arabe
n’a pas bien fonctionné, regrettait Zakia. On a vu les barrières hier
seulement et il y aurait pu y avoir encore plus de monde.» La ville
d’Aulnay avouait aussi que «les contacts ont été pris seulement il y a
huit jours, ce qui est trop court pour bien préparer». La spontanéité
de Luc Besson, un pari quand même réussi.
Sophie Caillat - 20Minutes.fr, éditions du 04/06/2008 - 22h35