Hier, les élus du Conseil général de Seine-Saint-Denis ont lancé un appel à l'Etat pour qu'il mette en place un "plan d'urgence sociale et humanitaire" et l'organisation d'une grande table ronde sur le logement en Seine-Saint-Denis.
Ils demandent également la réquisition de bâtiments publics et du contingent HLM préfectoral pour héberger les locataires sous la menace d'expulsions locatives. Il y a, pour le département, 55 000 demandes pour seulement 5 000 logements disponibles. Les demandes progressent alors que les nombre de logements, qui loin d'augmenter, diminuera avec les différents projets de rénovation urbaine en cours ou prévus.
Par exemple, pour l'heure à Aulnay, avec le PRU, ce sont 1 010 familles qui vont se trouver sans logement. Les projets de rénovation urbaine que signent l'ANRU prévoient de 4 000 à 5 000 démolitions de logements dans les quartiers. Les reconstructions sont prévues mais souvent après les destructions et pour arriver à un déficit du nombre de logements. "L'Anru, ce sont des crédits importants, mais on n'en a pas mesuré les conséquences sociales, souligne Gérard Ségura, vice-président (PS) chargé du logement . Peut-être faudrait-il aller un peu moins vite, mais être sûr qu'on a de la place pour reloger tout le monde."
Selon Gilles Garnier, le vice-président (PCF) du conseil général, chargé de l'action sociale, "on risque d'avoir 4 000 à 5 000 personnes à la rue". Le département compte 37,5 % de HLM où vivent 216 000 ménages, dont beaucoup de familles nombreuses ou monoparentales. On y trouve aussi des squats occupés par des familles, des campements de roms ou de nombreux hôtels qui font office d'habitat à l'année pour plusieurs milliers de personnes.
La faiblesse des revenus expliqent les impayés de loyer. Gérard Ségura précise que "40 % des familles de Seine-Saint-Denis vivent avec moins de 745 euros par mois". Moins de 745 euros par mois pour payer des loyers de 600 euros qui augmentent de 6% par an, voilà une bien étrange méthode pour instaurer la mixité sociale. De 800 000 € en 2002 à 3,5 millions deux ans plus tard, le budget de l'aide sociale à l'enfance explose parce qu'une bonne partie de cette aide est affectée à l'hébergement d'urgence des familles.
L'an dernier, des maires communistes qui président des offices HLM ont décidés d'arrêtés anti-expulsion. Or, les procédures s'engagent et ils demandent au préfet de ne pas exécuter la décision prise à leur demande. Un fonctionnement paradoxal mais dont se défendent les élus qui accusent le système.
Puis, la circulaire Borloo était parvenue à un gel des expulsions grâce à la signature de protocoles d'accord entre l'Etat, les bailleurs sociaux et chaque locataire en difficulté. Ces protocoles prévoyaient que l'occupant pouvait rester dans son logement s'il s'engageait à reprendre le paiement de son loyer et à rattraper progressivement sa dette locative. De son côté, l'Etat reprenant pour sa part le versement des allocations logement. Or, "les bailleurs ont proposé des protocoles irréalistes aux locataires» au regard de leurs revenus, a indiqué Gilles Garnier. Ainsi, le gel n'a fait que reporter et non arrêter les expulsions menaçant ces familles.
Cependant, les élus qui en appellent à l'Etat semblent eux-mêmes empêtrés dans leurs contradictions. Ainsi, l'office départemental de HLM, qui dépend du conseil général, engage des procédures d'expulsion pour impayés de loyer pour préserver l'équilibre de ses comptes. Sans oublier les maires qui font évacuer les squats, comme à Aubervilliers (mairie PCF) où une centaine de personnes ont été jetées à la rue le 7 juin à l'aube.
La situation ne peut plus continuer ainsi. A quand cette table ronde en présence de tous les acteurs ? Il est inadmissible, pour un pays, une région, un département, des villes tels que les nôtres qui veulent l'organisation des Jeux Olympiques de laisser tant de gens dans cette misère.
Jérôme Charré