Le Monde dans son édition de samedi publie un article intitulé "Chez PSA, à Aulnay, le non est majoritaire, pour que le travail reste ici". Je vous le livre:
Chaque jour, entre 14 heures et 15 heures, des milliers d'ouvriers de l'usine PSA Peugeot-Citroën d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) se croisent sur le grand parking devant l'entrée numéro 3, réservée au personnel. Le changement d'équipe sur les chaînes de montage a lieu à 14h37. Ceux qui rejoignent leur poste n'ont pas une minute à perdre. Ils filent comme des flèches, en haussant les épaules à l'évocation du référendum du 29 mai. "Je ne vote pas" , lancent certains, sans préciser s'ils n'en ont pas l'envie, ou pas le droit, faute d'avoir la nationalité française. Leur journée se terminera à 22h28, heure à laquelle l'équipe de nuit prendra le relais.
Ceux qui terminent leur journée, commencée à 6h46, attendent le départ des cars spéciaux vers la gare RER. Jillali votera, mais il ne sait pas quoi. "Franchement, je ne sais même pas à quoi ça sert la Constitution" , dit-il. Wilfrid, un collègue, le rejoint. "Tu ne sais pas quoi voter ? Moi, je te dis : vote non. Comme ça, on va peut-être remettre les pendules à l'heure, on va se dire que la France va mal, et tout le monde va en prendre conscience", affirme-t-il. Wilfrid, intérimaire, cherche un poste fixe. "On trime pour rien, voilà pourquoi je vote non", lance-t-il.
Pour Murielle et Mohammed, ce sera non, "pour pas qu'on délocalise les usines" , et aussi un peu "pour le lundi de Pentecôte" . Pour José et Stéphane aussi, ce sera non "pour que le travail reste ici". Kajei votera non, "parce que l'Europe, c'est une arnaque et qu'on n'y gagne rien du tout". Comme Assedine, qui votera non parce que "les autres pays vont prendre nos postes à des salaires plus bas" . Rachid hésite encore, mais penche pour le non. "Avec tous les plans sociaux, mieux vaut voter non", dit-il, même s'il n'est pas sûr que cela y change quelque chose.
SE BATTRE POUR 50 EUROS
Les discours des hommes politiques favorables au oui, qui affirment sur les radios et les télés que l'Europe les protège, n'y changent rien. Le 29 mai, Linda votera sans hésiter "non d'office" , comme "toute la famille". "J'ai écouté Raffarin un jour, j'ai eu l'impression que c'est dans leur intérêt qu'il faut voter oui. Je ne crois pas ce qu'il dit. Que les choses aillent mieux pour l'emploi et les salaires et on en reparlera, explique-t-elle. Les embauchés doivent se battre pour 50 euros d'augmentation, alors que l'entreprise fait de gros bénéfices. Nous les intérimaires, on ne s'en sort pas, mais on ne demande même pas d'augmentation. Moi, tout ce que je veux c'est être embauchée."
Patrick non plus n'écoute pas les hommes politiques. "Je ne crois personne, dit-il. Je ne crois pas non plus que tout aille mal si on vote non. Maintenant ça fonctionne, je ne vois pas ce qui changera."
Sur le parking, certains, peu nombreux, penchent pour le oui. C'est le cas de Potella, "parce qu'il ne faut pas rester dans son coin". Francis aussi votera oui, s'il se déplace, ce dont il n'est pas sûr. "On aurait mieux fait de ne pas nous demander notre avis", affirme-t-il.
Les chauffeurs de car confirment la domination du non chez les 3 000 ouvriers du site, auxquels il faut ajouter 500 intérimaires. "Je leur mets les infos dans le car, ils en discutent, ils sont pour la plupart pour le non" , dit Auguste, un conducteur. "C'est à cause de l'euro qui a fait monter les prix, des délocalisations, de la concurrence pour les emplois. Je les comprends, dans le transport de voyageurs aussi on voit arriver de la main-d'oeuvre pas chère. Chacun défend son gagne-pain", conclut-il.
Gaëlle Dupont