Célèbre pour sa "cité des 3 000", la ville a bénéficié d'importantes subventions destinées à la réhabilitation. Au grand dam des autres quartiers, qui se sentent délaissés.
La presse mondiale parle des "3 keus", résumant Aulnay-sous-Bois à cette "cité des 3 000" où trois véhicules de police ont été, le 13 octobre, la cible d'un guet-apens. La troisième ville de Seine-Saint-Denis est également célèbre pour l'investissement de 267 millions d'euros, débloqués par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) afin de réhabiliter ses grands ensembles.
Entre l'autoroute A3 et le canal de l'Ourcq pourtant, s'étend un autre Aulnay. Une autre ville, ou presque, dont les habitants (environ 60% des 80 000 Aulnaysiens) préfèrent le concours des villes fleuries à celui des voitures brûlées: au moment des émeutes de novembre 2005, le label "Ville quatre fleurs", refusé à Neuilly-sur-Seine, lui a été décerné ! Pour la droite municipale qui gouverne depuis 1983, ce constraste entre les grands ensembles, au nord, et la zone pavillonnaire, au centre et au sud, a longtemps constitué une assurance électorale - les pauvres se déprenaient des communistes et les autres se plaçaient sous la protection du RPR Jean-Claude Abrioux, qui a laissé son fauteuil en 2003 à son premier adjoint Gérard Caudron (sic). Mais pour demain ?
Le nouveau maire et son équipe s'alarment. D'un côté, les locataires des cités estiment, en dépit des investissements colossaux, que leur vie ne change pas assez vite. De l'autre, les propritéiares réclament des crèches, des zones "30 km/h" et des bus. "C'est vrai, on risque d'être pris en ciseaux", cauchemarde un proche du maire.
Circulant dans sa ville, le socialiste Gérard Ségura fait, avec une certaine gourmandise, la visite guidée du mécontentement aulnaysien. Rapatrié d'Algérie, ce fils de concierge a connu ce qui apparaît aujourd'hui comme un âge d'or des cités. Les fenêtres s'ouvraient sur des champs de céréales, Citroën assurait les fins de mois, un gamin travailleur pouvait, comme lui, devenir professeur. Quand la crise fut venue, le Front nationale s'est nourri des défaillances du communisme municipal. Une droite musclée a pris le pouvoir et, selon Ségura, "les quartiers populaires ont été laissés à l'abandon". Pendant une quizaine d'années, les revenus de cette commune riche en taxes professionnelles ont d'abord servi à lustrer le centre-ville. A en croire le socialiste, la mairie a toléré l'enclavement du nord jusqu'à ce que Gérard Caudron (sic), en 1998, perde le canton.
Désormais, le rééquilibrage est si flagrant que les "sudistes" en viennent à jalouser les habitants des cités. "La Maison de l'emploi a été installée au nord de la ligne de chemin de fer, alors que les accès sont embouteillés", regrette ainsi Alain Boulanger, président de Capade Sud, une association de riverains qui dénonce une droite coupable, "par mauvaise conscience de déplacer le centre de gravité de la ville". Fier du chantier colossal qui a commencé d'humaniser les grands ensembles, l'adjoint chargé de la sécurité et de l'environnement, Frank Cannarozzo, en vient à relativiser l'investissement municipal: "D'ici à 2011, la ville ne dépensera que 25 des 267 milliards (sic) d'euros du projet Anru", précise-t-il. Confronté à l'impatience des uns et l'égoïsme des autres, l'adjoint chargé de la jeunesse Alain Ramadier voudrait surtout convaincre son électorat: "Quelle sera la valeur des pavillons du sud si le nord s'enfonce dans la crise et la violence ?".
Daniel Bernard
Médias, Politique, Rénovation urbaine, Solidarités, Urbanisme
4 novembre, 2006 à 11:03 | Posté par Jérôme Charré
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Une Réponse à “Marianne: Aulnay-sous-Bois, La France des pavillons contre celle des grands ensembles”
Bonsoir.
Monsieur Daniel Bernard :
Chapeau.
Car j’ai vraiment pris du plaisir en lisant votre article qui résume de manière assez juste cette ville gauchement géré par des politiques à la ramasse (mais cette phrase n’engage que moi, bien entendu).
@ Bientôt.
Issaga DIARRA
[03/11/1975].