Je viens de voir en commentaire le courrier que l'association Vivre sans CDG Express a envoyé à Dominique Perben, ministre des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer. Pour des raisons pratiques, je vous la met en note:
Sevran, le 20 décembre 2005
Jean-Louis BRIAND, Président de Vivre sans CDG Express à Monsieur Dominique PERBEN, Ministre des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer
Monsieur le Ministre,
Nous avons été informés par voix de presse de l’initiative prise par M. DEVEDJIAN (lors de la séance du 14 décembre 2005 à l’Assemblée Nationale) pour permettre la modification des attributions du STIF concernant, entre autre, le pilotage du dossier CDG Express.
Au nom des adhérentes et adhérents de l’association que j’ai l’honneur de présider depuis 4 ans, je tiens à vous faire part, Monsieur le Ministre, des remarques et réflexions suivantes :
1- le projet CDG Express, dans sa version initiale, a profondément choqué et indigné la grande majorité des séquano-dionysiens, qu’ils soient riverains du tracé envisagé ou usagers du RER B.
2- le débat public organisé par la CPDP à cet effet a permis de faire entendre et accepter l’urgence d’une rénovation conséquente du RER B.
3- notre association a été à l’origine d’une proposition alternative au projet CDG Express conduisant à l’émergence, en fin de débat public, d’une solution moins coûteuse, plus adaptée aux besoins du réseau et plus acceptable socialement. Il reste cependant de lourdes incertitudes sur la rentabilité socio-économique du projet de service de CDG Express ; les règles du jeu du partenariat public-privé (PPP) inquiètent les contribuables que nous sommes plus qu’elles ne nous rassurent ; alors que le projet pourrait encore évoluer favorablement en s’intégrant dans une offre publique de transports : il faudrait pour cela utiliser la compatibilité de CDG Express (version Virgule) avec le tunnel d’Éole pour qu’une nouvelle offre publique pour tous voit le jour sur le RER E, permettant en outre d’aller chercher les clients de l’aérien au cœur de Paris (Haussmann - Saint–Lazare), ce qui éviterait aussi de provoquer un engorgement près de la gare de l’Est.
4- nous étions à ce jour raisonnablement optimistes aux vues de la mise en œuvre prochaine du plan RER B+, de la décentralisation du STIF et de ses projets pour l’Île-de-France, tout en restant passablement inquiets sur les engagements financiers et les délais de réalisation concernant le RER B.Aujourd’hui, permettez-nous de vous exprimer notre accablement devant ce qui nous apparaît comme autant de « basses manœuvres politiciennes » aussi choquantes qu’improductives ; certes, le STIF est paralysé depuis plusieurs mois, mais comment croire que la démarche de M. DEVEDJIAN puisse avoir pour seul effet de débloquer efficacement la situation ? Que penser également de l’empressement des pouvoirs publics à soutenir par tous les moyens le projet de liaison CDG Express (service ferroviaire dédié à quelques millions de voyageurs aériens), quand plusieurs dizaines de millions de salariés souffrent chaque jour depuis plusieurs années dans des RER inconfortables, insalubres, insécures, bondés et improbables ?
A quoi bon dès lors organiser des concertations et des débats publics s’il suffit d’un amendement, présenté et voté subrepticement par suffisamment de députés et sénateurs, pour annuler les quelques acquis de la démocratie participative ? Ne croyez-vous pas légitime que l’on puisse aujourd’hui encore se sentir « pris en otage », Monsieur le Ministre des Transports, d’une bien singulière façon cette fois ? Nous n’avons pas, en tant qu’associatifs, à nous mêler aux joutes politiques, nous nous en garderons bien ; pourtant, nous tenons à souligner que les élus locaux ont eu en temps utile leur mot à dire dans le débat sur CDG Express, et c’est bien ainsi. Nous avons vu et entendu nombre d’entre eux, de toutes tendances, qui plaidaient alors plus nettement pour un RER B rénové que pour une luxueuse liaison Paris-Roissy ! Curieusement, ceux qui tentent aujourd’hui de dessaisir le STIF du dossier CDG Express, tout en voulant modifier les règles de fonctionnement démocratique de ses instances de décision, étaient notoirement absents lors de ce débat public ? Sachant que trois sur quatre sont députés de Seine–Saint-Denis... Ils interviennent aujourd’hui dans le débat d’une façon brutale, voire méprisante et sournoise, qui ne sied pas à l’attitude responsable d’un élu censé être à l’écoute et au côté de ses concitoyens.
Ainsi, quelques semaines seulement après l’embrasement des banlieues (et notoirement en Seine-Saint-Denis), des élus de la République, pourtant bien placés pour être au fait des réalités de terrain, envoient aux habitants de ce même territoire un curieux message en soutenant l’amendement 71 sur le STIF. Ce message semble leur dire : « Nous ne vous oublions pas ; nous savons que vous souffrez quotidiennement de l’incurie chronique des transports publics. Mais nous allons accélérer les choses … en commençant par favoriser en priorité une liaison ferroviaire … dont vous ne pourrez malheureusement pas bénéficier ! »
Reconnaissez qu’il serait facile d’ironiser, de « guignoliser », tant la situation nous paraît ubuesque. Mais nous, nous n’avons pas oublié les images désastreuses d’il y a peu, et c’est un goût de cendres qui persiste, chassant celui de plaisanter. Que se passera-t-il une fois que les usagers des transports publics franciliens auront compris qu’il est stérile et injuste de s’en prendre aux seuls cheminots grévistes pour soulager sa colère ou son agacement aussi légitime soit-il ? Faudrait-t-il qu’à leur tour ils allument quelques rames, qu’ils saccagent quelques gares pour que l’on veuille bien prendre l’exacte mesure du problème ? Ce que personne ne souhaite. A moins qu’ils ne s’aperçoivent qu’ils ne se déplacent pas seulement avec un titre de transport : bon nombre d’entre eux ont aussi une carte d’électeur…
Comme leurs enfants à l’école, à l’ANPE, devant la boîte de nuit ou l’agence immobilière, trop de banlieusards ne se sentent guère discriminés… « positivement » lorsqu’ils prennent le bus ou le RER, Monsieur le Ministre.
C’est pourquoi le contenu de cet amendement 71 nous paraît maladroit et inutilement provocateur ; quant à ses conséquences, elles pourraient se révéler non seulement inefficaces mais aussi très dangereuses pour la démocratie et la paix sociale dans un proche avenir.Espérant avoir su retenir votre attention et votre écoute, veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments respectueux.
Pour « Vivre sans CDG Express », Son Président, Jean-Louis BRIAND